Burn-out : le comprendre pour mieux le soigner

par le Docteur Isabelle Bouchard, conseiller médical de la MSM

Selon une enquête réalisée en 2022 par Opinion Way, 2,5 millions de Français seraient touchés par l’épuisement professionnel ou syndrome du burn-out. La souffrance psychique au travail -qui conduit à ces situations se manifestant sur les plans physique, émotionnel, affectif et comportemental- est un phénomène en augmentation constante depuis le début du XXe siècle. L’épuisement professionnel touche également le monde ecclésial, comme en témoigne l’étude sur la santé des prêtres âgés de moins de 75 ans qui avait été réalisée en 2020 : environ 7 % des prêtres ayant répondu à cette enquête, financée par la Fondation Nationale pour le Clergé et la Mutuelle Saint-Martin Action Sociale, avaient indiqué présenter un état d’épuisement professionnel élevé. Et près de 2 % des prêtres étaient même considérés comme affectés d’un burn-out sévère.


Définition / Qui est concerné? / Chiffres/ Signes avant-coureur / Facteurs de risque / Manifestations / Stress / Dépression / Solutions / Prévention / Lieux de repos 


Comment définir le burn-out ?

Historique du mot

Emprunté au domaine de l’aérospatiale, le burn-out correspond à l’épuisement du carburant d’une fusée avec, comme conséquence, la surchauffe et l’explosion du réacteur. Par analogie, le burn-out définit l’épuisement physique et psychologique d’une personne qui aurait consommé toute son énergie et qui finirait ainsi par «craquer». Ce terme a été utilisé pour la première fois en 1969 pour décrire une fatigue extrême au travail, mais le syndrome d’épuisement professionnel n’a été décrit qu’en 1974. Il a ensuite été conceptualisé en 1980 par deux psychologues américaines, Christina Maslach et Susan Jackson.

3 dimensions du burn-out en 1980

Ces deux spécialistes conféraient trois dimensions au mot :

  1. un épuisement émotionnel : absence totale d’énergie pour le travail et carence de motivation)
  2. une dépersonnalisation : désengagement, désintérêt par rapport à son travail, sa mission et aux personnes auxquelles nous lient notre travail ou notre mission
  3. une diminution de l’accomplissement personnel : sensation d’inefficacité et forte impression d’échec.

Qui est concerné par le burn-out ?

Des professionnels de l'aide...

Entre 1980 et 1990, le burn-out était très lié aux professions d’aide, aux personnes confrontées à la détresse humaine, à la souffrance et à la mort dans leur quotidien professionnel. Les soignants, les travailleurs sociaux ou encore les enseignants, mais aussi les prêtres, les religieux ou les religieuses étaient alors majoritairement touchés par ce phénomène. Toutes ces personnes ont un point commun : vivre des relations interpersonnelles à forte composante émotionnelle, où l’enjeu de la relation entre l’aidant et la personne aidée est vital.

... à tout le monde

À la fin des années 1990, le concept de syndrome d’épuisement professionnel a été élargi à d’autres types de professions, comme les journalistes, les artisans, les artistes et les personnes en situation de management (chefs d’entreprise, évêques, curés ou supérieurs de communautés). Plus récemment, dans les années 2000, le phénomène s’est inséré dans le cercle familial, avec le burn-out maternel ou parental.

Quelques chiffres sur le burn-out cliquer pour agrandirQuelques chiffres concernant le burn-out

Un état qui s’installe peu à peu

Le syndrome d’épuisement professionnel touche le plus souvent des personnes très investies dans leur travail ou leur mission. Celles-ci tiennent coûte que coûte, au détriment de leur santé, jusqu’à atteindre un point de rupture. Le burn-out s’installe donc progressivement, au travers de cinq phases.

De l'accomplissement au surmenage...

Après la 1e phase d’accomplissement dans son activité, avec une motivation et une persévérance à toute épreuve, le plaisir disparait peu à peu devant la charge de travail. C’est la 2e  phase de surmenage, durant laquelle un stress chronique s’installe. La personne en fait trop, mais elle n’en a pas conscience et travaille sur un mode passionnel.

... puis de l'acharnement à la désillusion / déception...

Dans la 3e phase, la phase d’acharnement, la personne ne parvient plus à se déconnecter de son travail ou de sa mission. Obsédée par l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixée, elle se met une telle pression que son action baisse en qualité. Son activité professionnelle ou pastorale a envahi tout le reste de son existence, suscitant des dommages importants dans sa vie personnelle, relationnelle ou communautaire.

La 4e phase, la phase de désillusion et de déception, intervient juste après : malgré ses efforts constants, la personne ne parvient pas à atteindre le but qu’elle s’est fixée et ses efforts ne sont pas reconnus. Des signes d’irritabilité, d’impatience et d’isolement, des troubles somatiques (douleurs du dos, douleurs thoraciques, troubles cardiaques) apparaissent alors. L’individu perd en empathie, porte un regard négatif sur les autres en tenant des discours cyniques.

C’est à ce stade qu’un soignant, un prêtre, un religieux ou une religieuse... accomplit son travail de manière bureaucratique, sans engagement personnel.

... pour un effondrement complet

Vient ensuite la 5e et dernière phase menant au burn-out : l’effondrement complet. Un évènement minime, une critique négative, une parole « de trop » font craquer. Un sentiment d’épuisement intense, un désintérêt pour le travail, un détachement émotionnel et une perte de confiance dans ses propres capacités surgissent.

Le burn-out : une pathologie du sur-engagement

Tout le monde ne fait pas un burn-out dans un même contexte professionnel. Dans le burn-out, il y a un désajustement entre l’engagement professionnel ou pastoral et les contraintes de l’environnement de travail. Ce désajustement ne permet plus de faire un travail de qualité en adéquation avec les valeurs auxquelles on croit.

Le burn-out survient chez des personnes le plus souvent sur-engagées, idéalistes ou altruistes, ayant de fortes attentes envers elles-mêmes. Il sera favorisé par de nombreux facteurs de risques psychosociaux (cf. ci-dessous).

En revanche, la surcharge de travail seule ne conduit pas au burn-out. Le burn-out n’est pas une pathologie de la surcharge de travail, c’est une pathologie du sur-engagement.

Facteurs de risque psychosociaux favorisant le burn-out

 
  • La surcharge de travail
  • Le manque d’autonomie
  • L’absence de reconnaissance
  • Le manque d’équité
  • Le manque de clarté dans les objectifs et les moyens
  • L’inadéquation des valeurs
  • L’isolement social
  • Un environnement toxique

Des manifestations multiples

Epuisement physique

Le burn-out se révèle de différentes manières. Au travers de signes d’épuisement physique, que ce soit une fatigue générale, des troubles du sommeil ou digestifs, des maux de tête, des vertiges, des tensions musculaires et des crampes, ou de l’anorexie.

Saturation psychologique

Le syndrome d’épuisement professionnel entraine aussi une saturation psychologique : sensation de vide et d’impuissance, perte de confiance en soi, sentiment d’échec, troubles de la mémoire et de l’attention, repli sur soi, irritabilité, agressivité, baisse d’empathie et désengagement progressif avec une attitude négative vis-à-vis de son travail ou de sa mission.

Stress et burn-out

Le burn-out est souvent associé à tort à d’autres diagnostics comme le stress ou la dépression.

Ce qu'est le stress

Le stress est un état d’inquiétude ou de tension mentale causé par une situation difficile (entretien d’embauche, examen scolaire, charge de travail excessive, conflit familial…). Cet état peut gagner toute une population lors d’événements tels que des crises économiques majeures, des épidémies, des catastrophes naturelles ou des guerres. Mais la façon dont nous réagissons face au stress fait une grande différence pour notre bien-être général.

Le stress agit en effet sur l’esprit et le corps. Un léger stress n’est pas une mauvaise chose car il peut aider à relever des défis et à effectuer des activités quotidiennes. Mais trop de stress peut entraîner des problèmes de santé physique et mentale.

Le stress empêche de se détendre et peut s’accompagner d’une série d’émotions - dont l’anxiété et l’irritabilité- et peut avoir des conséquences variées : difficultés de concentrations, accélération du rythme cardiaque, difficultés à respirer, maux de tête ou d’estomac, troubles du sommeil, perte ou excès d’appétit.

Facteur aggravant du stress

Le stress chronique peut aggraver des problèmes de santé préexistants (physiques ou mentaux) et augmenter la consommation d’alcool, de tabac, de café et d’autres substances nocives.
Apprendre à gérer le stress peut permettre de se sentir moins accablé et favoriser un bien-être mental et physique.

Différence entre le stress et le burn-out

En conclusion, le stress n’est pas forcément associé à des attitudes négatives, contrairement au burn-out qui touche des personnes sur-engagées dans leur mission ou leur travail, où les conflits de valeur vont avoir un rôle important et vont entrainer des attitudes et des comportements négatifs envers le travail.

Dépression et burn-out

Le burn-out

Comme indiqué précédemment, le burn-out est généré par une activité professionnelle ou est en lien avec une mission. C’est une pathologie de l’idéal : plus l’idéal est élevé, plus la chute est dure, avec un effondrement brutal.

La dépression

La dépression, en revanche, est générée par des causes multiples. Elle s’installe progressivement jusqu’à affecter toutes les dimensions de la vie. Une personne touchée par la dépression perd ainsi le goût de la vie dans son ensemble (tandis que le burn-out ne concerne que le travail ou la mission).

D’autres divergences existent entre l'état de burn-out et l'état dépressif

Ainsi, une personne dépressive n’a pas la force de lutter alors que le burn-out se caractérise par un acharnement à tenir coûte que coûte. Ou un individu souffrant de dépression devient indifférent aux autres alors qu’une personne touchée par le burn-out devient irritable et agressive et ne supporte plus son entourage.

Dans les deux cas, il y a une perte d’estime et de confiance en soi, mais elles sont plus marquées dans la dépression et peuvent conduire au suicide. Il existe aussi des liens entre les deux pathologies, car une dépression peut s’ajouter à un burn-out, mais les deux concepts restent toutefois différents.

Comment sortir du burn-out ?

Faire appel à des professionnels de santé est indispensable pour s’extraire du burn-out. Le premier consulté est habituellement le médecin traitant, qui prescrira un arrêt de travail. À défaut, il demandera de cesser toute activité pour se mettre au repos. Selon la gravité des symptômes, le médecin décidera ou non d’orienter le patient vers un psychothérapeute. Cette prise en charge par des praticiens, de manière individualisée et adaptée à la sévérité des symptômes, ne nécessite pas obligatoirement de traitement médicamenteux.

Parvenir à surmonter un burn-out passe par plusieurs étapes.

  • Etape 1 : accepter sa situation, lâcher prise et reconnaitre son épuisement est un premier pas vers la guérison et permet de pouvoir avancer sur un travail de fond, afin d’identifier les causes et les changements à opérer.
  • Etape 2 : s’éloigner de la source de stress en arrêtant son activité, pour prendre du recul.
  • Etape 3 : prendre du temps pour ne rien faire et se décharger des pensées négatives pendant des semaines, voire des mois, pour se reposer physiquement mais aussi mentalement.
  • Etape 4 : prendre soin de son corps avec une alimentation saine, une activité physique et un rythme de sommeil régulier. «Il faut soigner le corps pour que l’âme s’y plaise», disait Saint François de Sales (1567-1622)
  • Etape 5 : prendre soin de son mental en repérant ce qui rend joyeux, ce qui inspire. Et mettre ceci en pratique, en faisant des activités créatives par exemple. Repérer les relations et les lieux qui ressourcent et, à l’inverse, ce qui rend malheureux et détruit. Apprendre à accepter ses émotions et mieux les comprendre. 
  • Etape 6 : comprendre les sources de déclenchement : les dysfonctionnements de l’entreprise, de l’institution, de la hiérarchie, de la communauté… Mais aussi et surtout identifier ses propres dysfonctionnements : est-ce que je sais dire non ? est-ce que je sauve le monde ? comment je m’organise ? suis-je réaliste ? est-ce que je continue d’idéaliser mon travail et ma place dans ce monde, ou est-ce que j’accepte mes limites et je prends en compte mes propres besoins ?
  • Etape 7 : mettre à jour sa façon de penser et instaurer de nouvelles habitudes en se fixant des priorités et des limites sur le plan personnel, familial, amical et professionnel, en identifiant ce qu’on ne veut plus voir ou faire, en prenant du temps pour soi et en réfléchissant au sens qu’on veut donner à sa vie. 

Prévention

 

Comment prévenir au mieux le burn-out ?

Il est important de prendre des mesures pour éviter cet effondrement. La prévention concerne tout le monde et passe par un dépistage de signes d’alerte individuels et collectifs et la mise en place de mesures pour corriger les dysfonctionnements.

Les changements de comportement d’une personne peuvent questionner. Voici quelques exemples : se plaint-elle d’un manque d’énergie pour faire son travail, de problèmes de concentration ? Est-elle facilement irritable ? Exprime-t-elle du dénigrement à propos de son travail ? Dévalorise-t-elle le travail qu’elle accomplit ? Est-ce qu’elle se désinvestit de manière inhabituelle de son travail ? Ces signaux doivent alerter l’entourage, qui peut alors encourager la personne à aller voir un professionnel pour se faire aider.

D’autres signaux, au niveau collectif, peuvent-ils aussi alerter sur un environnement susceptible de conduire au burn-out ?

En effet. Cela peut être le cas, par exemple, si on constate de l’absentéisme ou un boycottage d’évènements professionnels ou pastoraux, ou encore des relations détériorées entre des employés et leur hiérarchie, des prêtres ou des religieux et leur hiérarchie. D’autres signaux d’alerte collectifs existent : la fréquence des lombalgies ou cervicalgies, la multiplication des états dépressifs, les cas de suicide, les plaintes pour harcèlement ou la découverte de phénomènes d’emprise.

Quelles mesures concrètes de prévention existent aujourd’hui ?

Je vais vous citer quelques propositions qui se développent dans le monde de l’Église, dans certains diocèses ou communautés, mais qui peuvent bien évidemment se transposer dans la société civile. Je pense tout d’abord au fait d’avoir un presbyterium uni avec des temps de rencontre, d’amitié et de partage.

Pour éviter le burn-out, il faut encourager les groupes de parole pour partager fraternellement ses frustrations et ses problèmes avec d’autres prêtres, religieux ou religieuses. Il est également important de s’octroyer du temps pour soi et aller voir un psychologue si nécessaire. Ce n’est plus tabou aujourd’hui.

Former au leadership les prêtres, les religieux et les laïcs, qui exercent des tâches de responsabilité et d’autorité vis-à-vis d’autres personnes, est aussi une bonne manière d’éviter d’être confronté à l’épuisement professionnel.

Par ailleurs, il faut savoir apprécier les efforts de ses collaborateurs et les encourager. Prendre en considération le point de vue de ses équipes représente un facteur de protection du burn-out.

Je pense également qu’il faut poursuivre l’effort de formation humaine intégrale dans les séminaires, ce qui permet d’intégrer les dimensions psychologique et spirituelle de la personne. Des psychologues interviennent dorénavant dans les séminaires et cela me parait une excellente chose.

Enfin, une réflexion s’est engagée autour du burn-out des religieuses, avec l’idée d’établir un code de conduite dans chaque congrégation pour déterminer de manière claire les besoins, les obligations et les droits de chaque membre, en veillant à leur bien-être. Je crois fermement que fixer les limites d’un engagement contribue à une bonne santé mentale.

 

Des lieux de repos pour les prêtres et les religieux en situation de burn-out ?

Le réseau Melchisedek, réseau de maisons d’accueil familial pour les prêtres et religieux favorisant le repos, le ressourcement et le discernement dans un cadre familial et bienveillant, regroupe trois structures situées dans le Gard, en Anjou et en Vendée. La création de ces structures adaptées au «rétablissement physique, psychique et spirituel des prêtres qui en ont besoin» a été recommandée par la congrégation pour le clergé depuis 1994, recommandation renouvelée en 2013 dans le Directoire pour le ministère et la vie des prêtres (§102). www.reseau-melchisedek.com

 

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