Conduite automobile et santé

par le Docteur Isabelle Bouchard, conseiller médical de la MSM

Se déplacer, conduire son propre véhicule… enjeux essentiels pour la santé, le bien-être et l’autonomie ! Mais prendre le volant nécessite d’avoir une aptitude physique, cognitive et sensorielle satisfaisante. Découvrez nos conseils pour une conduite responsable et sereine, en tenant compte des risques potentiels liés à la santé.

Le code de la route prévoit «qu’un conducteur doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent.» En cas de doute sur ses capacités, un conducteur doit impérativement, au minimum, en parler à son médecin généraliste.


S'adapter à sa santé / Prérequis pour conduire / Problème de santé / Rôle du médecin traitant / Médicaments / Séniors / Signaler un proche / Alternatives / En savoir plus 


Adapter sa conduite à son état de santé

Du bon sens

Tout comme nous adaptons notre conduite d’un véhicule aux conditions de circulation ou aux conditions météorologiques, la conduite doit être adaptée à son état de santé. Car la conduite est une activité qui nécessite de bonnes capacités de perception, d’analyse, de mouvement, de réaction et un comportement adapté. Certaines affections médicales, handicaps ou médicaments peuvent modifier la capacité de conduire.

“De simples changements d’habitudes, des aménagements du véhicule et/ou du permis de conduire permettent le plus souvent de préserver la faculté de conduire", précise la délégation à la sécurité routière du Ministère de l’Intérieur. 

Des aménagements possibles

Les médecins agréés par les préfectures proposent, si nécessaire, les aménagements permettant de conduire dans de bonnes conditions de sécurité et en toute légalité.

Ce n’est que dans des cas exceptionnels que la conduite peut être interdite pour des raisons médicales”, poursuit le Ministère de l’Intérieur. Généralement, des solutions favorisant le maintien de l’autonomie peuvent être trouvées par les professionnels de santé. “Une bonne hygiène de vie et prendre soin régulièrement de votre santé restent les meilleurs moyens pour maintenir ou récupérer la possibilité de conduire”.

Prérequis pour conduire

Ce sont des évidences mais il est toutefois bon de rappeler les bonnes conditions pour prendre le volant.

  • Avoir suffisamment dormi et s’astreindre à faire une pause au moindre signe de fatigue.
  • Ne pas avoir bu d’alcool dans les heures précédant la conduite. En cas de doute, il vaut mieux vérifier son taux d’alcoolémie avec un éthylotest, voire éviter de prendre le volant.
  • Ne pas avoir consommé de produits stupéfiants.
  • Avoir vérifié que les médicaments prescrits sont compatibles avec la conduite en se référant au pictogramme triangulaire sur la boîte. Voir ci-dessous l'encadré sur les médicaments.
  • Porter ses lunettes de correction ou ses lentilles de contact.
  • Eviter les distractions pour pouvoir rester concentré : couper son téléphone ou prévoir des occupations pour les enfants…

Problèmes de santé

II est généralement possible de prendre le volant mais il est indispensable, afin de préserver son autonomie et sa mobilité, de modifier son comportement et/ou ses habitudes de conduite. En connaissant les effets des problèmes de santé sur la conduite, il est possible de les repérer et de les prévenir.

  • La conduite de nuit peut, par exemple, être proscrite ou il peut être nécessaire de prévoir davantage de pauses et d’adapter ses horaires et itinéraires de déplacement.
  • Afin de respecter les recommandations et les prescriptions médicales, il est nécessaire de reporter ses déplacements ou choisir un autre mode de transport quand on ne se sent pas bien.
  • Certains handicaps ou problème de santé peuvent être surmontés par l’utilisation d’un véhicule adapté (boîte automatique, aménagements spécifiques).

Affections médicales 

Certaines affections médicales sont susceptibles d'avoir des effets sur l'aptitude à la conduite.

  • Vision : fonction sensorielle la plus importante pour la conduite. Si la plupart des patients ressentent la nécessité de corriger un trouble de la vision, certains ne le perçoivent pas comme gênant pour conduire alors qu’il peut compromettre la sécurité de la conduite.
  • Surdité : une perte d’audition corrigée par un appareil auditif ne demande aucun aménagement particulier. Mais en cas de surdité profonde, il est tout à fait possible d’obtenir son permis en passant par des auto-écoles spécifiques, en bénéficiant d’épreuves aménagées ou en obtenant un certificat d’aptitude délivré par un médecin agréé.
  • Pathologies psychiatriques ou neurologiques : à considérer au cas par cas. En cas de lésions au niveau du système nerveux, qui se manifestent par des symptômes cognitifs, moteurs, sensitifs ou sensoriels, la vigilance, l’équilibre, la coordination ou le comportement peuvent être perturbés. Quant à l’épilepsie, celle-ci est une contre-indication à la conduite si, malgré le traitement, le patient fait des crises fréquentes ou si le traitement entraine une somnolence.
  • Pathologies cardiovasculaires : le risque principal étant celui d’un malaise au volant, avec lipothymie, syncope ou mort subite. Ces pathologies peuvent également être à l’origine d’états de fatigue incompatibles avec la conduite.
  • Diabète : peut aussi être responsable d’une conduite à risque si le patient présente régulièrement des hypoglycémies sévères ou en cas de complications cardiaques ou neurologiques.
  • Apnée du sommeil : entraine une somnolence excessive avec un risque d’endormissement au volant tant qu’il n’est pas traité. Une fois appareillé (appareillage nocturne), la conduite est possible.
  • Alcool et produits psychoactifs (comme les médicaments ou les stupéfiants) : en lien avec près de 40 % des accidents mortels.

Interroger

Il est impératif d’échanger avec son médecin, son pharmacien, un professionnel de santé (infirmier, kinésithérapeute…) ou son entourage dans les cas suivants : gêne pour réaliser certains mouvements, difficultés de concentration ou trous de mémoire, survenance de malaises, vertiges ou syncopes, consommation d’alcool et/ou de drogues, prise de médicaments, fatigue ou troubles du sommeil, problèmes de vision ou d’éblouissement, opération ou hospitalisation récente, ou si l’entourage fait des remarques sur la conduite.

 

Rôle du médecin traitant

  • Le médecin a une obligation d’information, vis-à-vis de son patient, en cas d’affection susceptible d’être incompatible avec la conduite ou nécessitant un aménagement de permis de conduire. Le médecin doit ainsi informer son patient des risques liés à son état de santé sur la conduite. Comme il l’est indiqué par la Délégation à la sécurité routière du Ministère de l’Intérieur, cette obligation d’information du patient est rappelée par un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997, qui énonce que «le médecin est tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son patient et qu’il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation» (Chambre civile 1, 25 février 1997 n° 94-19.685).
  • Si un patient présentant un risque sur la conduite souhaite continuer à conduire, le médecin doit l’orienter vers un médecin agréé pour l’aptitude médicale à la conduite. Ce médecin agréé par la préfecture reçoit, sur son lieu d’exercice médical, tout conducteur ou candidat au permis de conduire qui le demande. Il réalise alors une évaluation de l’aptitude physique, cognitive et sensorielle du conducteur et peut être amené à demander des examens complémentaires ou un avis médical spécialisé sur la pathologie et les traitements. Le médecin agréé délivre ensuite au conducteur un avis d’aptitude définitif à la conduite, c’est-à-dire sans limitation de durée, d’aptitude temporaire (de 6 mois à 5 ans) ou d’inaptitude. L’aptitude peut être mise en œuvre avec des restrictions, comme l’interdiction de conduire la nuit ou la nécessité d’un aménagement du véhicule. Une inaptitude, lorsqu’elle relève d’une incompatibilité temporaire avec la conduite, nécessite la réalisation d’un nouveau contrôle médical pour être levée.
  • Enfin, il faut savoir que certaines affections sont incompatibles avec le maintien du permis de conduire. Celles-ci sont listées dans un arrêté dont la plus récente version est celle du 28 mars 2022 (paru au Journal officiel du 3 avril) : cliquer ici pour les consulter

Les médicaments et la conduite

Avec ou sans ordonnance

Conduire sous l’emprise de médicaments est une situation assez courante. Bon nombre de personnes prennent le volant après avoir pris des tranquillisants, des antidépresseurs ou des médicaments contre le rhume ou la douleur. La conduite peut être impactée par les effets indésirables de certains traitements, parmi lesquels la somnolence, la vigilance amoindrie, la capacité de jugement atteinte, la vision altérée, les vertiges… Le risque de retentissement sur la conduite d’un véhicule concerne aussi bien des médicaments prescrits par le médecin que ceux disponibles sans ordonnance. Ces médicaments peuvent faire partie d’un traitement au long cours concernant certaines maladies (dépression, épilepsie, maladie de Parkinson, diabète, hypertension artérielle, etc.) ou traiter des maux courants (douleurs, fièvre, toux, rhume, etc.)

Les identifiés

Comme on peut le lire sur le site internet de l’Assurance Maladie, certaines familles de médicaments sont d’emblée concernées par ces risques comme : 

  • les anxiolytiques (Diazépam, Bromazépam...),
  • les somnifères (Zopiclone, Zolpidem...),
  • les antidépresseurs (Fluoxétine, Paroxétine...),
  • les hypnotiques et les anxiolytiques (en particulier les benzodiazépines) sont les substances les plus fréquemment retrouvées dans les analyses de sang des accidentés de la route.

Mais d’autres familles de médicaments peuvent aussi avoir des effets sur l’aptitude à la conduite :

  • anti-inflammatoires,
  • certains médicaments contre la douleur, la fièvre ou la migraine,
  • anesthésiques,
  • antihistaminiques...

 

Les pictogrammes sur les boites de médicaments

Le conditionnement extérieur des médicaments comporte un pictogramme triangulaire si le médicament a des effets sur la conduite automobile. Ce pictogramme constitue un outil d’alerte : il est décliné en trois couleurs, associées à un libellé, définissant trois niveaux de risque.

  1. Comme l’indique l’Assurance Maladie sur son site internet, les médicaments avec un risque de niveau 1 (fond jaune) représentent un risque faible car cela dépend surtout de la façon dont la personne tolère le médicament. Il n’y a donc pas de restriction à la conduite, mais la personne doit être informée pour connaître les cas où elle doit s’abstenir de conduire, si elle ressent des effets signalés dans la notice du médicament.
  2. Le risque de niveau 2 (fond orange) représente un risque réel lors de la conduite d’un véhicule. Il dépend principalement du mode d’action du médicament et beaucoup moins de la tolérance individuelle au produit. Ce sont le plus souvent des médicaments qui ne peuvent être obtenus qu’avec une ordonnance. Dans ce cas, le médecin ou le pharmacien examine au cas par cas si la prise du médicament est compatible avec la conduite.
  3. Enfin, en cas de présence du risque de niveau 3 (fond rouge) sur la boite, la prise du médicament rend la conduite automobile dangereuse chez tous les patients. La conduite de véhicules est donc formellement déconseillée. L’effet peut même se prolonger un certain temps après l’arrêt de la prise du médicament. Selon l’Assurance Maladie, environ 5 % des médicaments sont classés en risque de niveau 3.

Conseil : s’assurer auprès de son médecin traitant ou de son pharmacien que les médicaments prescrits ou achetés sans ordonnance ne présentent pas de risque particulier.

Les séniors

Le bon conducteur sénior

“Les conducteurs âgés ne provoquent pas plus d’accidents que les autres. En revanche, lorsqu’ils sont impliqués dans un accident corporel, ils ont plus de risques d’être tués”, mentionne l’association Prévention routière. De nombreux conducteurs de 75 ans et plus possèdent encore toutes leurs facultés pour se déplacer aisément et ressentent un besoin d’autonomie au quotidien pour faire leurs courses, se rendre chez un médecin, emmener leurs petits-enfants à l’école ou partir en vacances. De plus, la mobilité représente un facteur de lien social essentiel.

Un bon conducteur sénior, c’est avant tout un conducteur qui n’a pas perdu l’habitude de la conduite et qui est encore une bonne santé”, souligne la Prévention routière, invitant les conducteurs de 75 ans et plus à effectuer régulièrement des trajets en voiture en variant les itinéraires, à s’entretenir physiquement, à entraîner leurs capacités psychiques et intellectuelles et à être à l’écoute d’eux-mêmes pour repérer toute modification (altération de la vision, oubli fréquent, temps de réactivité plus long…).

Pas de contrôle obligatoire mais...

“N’hésitez pas à solliciter l’avis de votre médecin chaque fois que vous en éprouvez le besoin, reprend l’association. Aucun contrôle médical n’est obligatoire en France, à la différence de certains pays européens qui imposent un examen médical à partir de 65 ou 70 ans. Mais pour votre propre sécurité et pour celle des autres, c’est à vous de prendre régulièrement conseil auprès de votre médecin si vous constatez des signes qui n’existaient pas auparavant (appréhension à l’approche d’un giratoire, difficulté à déchiffrer un panneau de signalisation, à repérer un véhicule…) ou si votre entourage montre des signes d’inquiétude. Ne sous-estimez pas les craintes de vos proches, elles sont souvent révélatrices.”

Stages de remise à niveau

Le code de la route évolue, les routes changent... autant de facteurs extérieurs pouvant perturber la conduite. Pour éviter cela, il est possible de s’inscrire à un stage de remise à niveau. Organisés par certaines associations ou assureurs, ils permettent de mettre à jour ses connaissances et refaire le point sur les bases du code de la route. Ces stages pour les séniors comportent aussi une évaluation des capacités à conduire (test de vision, temps de réaction et difficultés de motricité).

 

Pour certains seniors, vivre sans voiture n’est pas une option envisageable. Cependant, les personnes âgées sont exposées à de nombreuses difficultés à conduire à cause de la détérioration de leurs sens.
Pour savoir si un senior dispose des aptitudes nécessaires pour conduire, il existe, pour les volontaires divers stages de remise à niveau permettant, d’une part, de reconnaitre et gérer d’éventuelles dégradations dues à l’avancement en âge (vision, troubles cognitifs, rigidité des articulations...) et, d’autre part, de mettre à jour leurs connaissances du code de la route et de la signalétique en vigueur. Ces stages peuvent être proposés par des collectivités territoriales, des associations, des préfectures ou encore des assureurs. Certaines écoles de conduite proposent également des formations de remise à niveau, payantes, à destination des seniors.
En parallèle, l’association Prévention Routière organise régulièrement des animations destinées aux séniors,sur l’ensemble du territoire, en les sensibilisant aux principaux risques routiers et en leur rappelant les règles essentielles de la circulation.

Si la participation à un stage de prévention ne s’avère pas suffisante, la reprise de quelques cours de conduite en auto-école peut constituer une autre solution préventive.

Signaler un proche en incapacité de conduire

Discerner sa capacité 

Que faire si un parent ou un proche conduit régulièrement son véhicule mais ne semble plus avoir les capacités médicales pour conduire en sécurité ? Et qu’il est impossible de le convaincre d’arrêter de prendre le volant ?

Comme le précise la Délégation à la sécurité routière du Ministère de l’Intérieur, “la vie des autres usagers de la voie publique ne peut en aucun cas être mise en danger par un conducteur susceptible d’être dangereux pour lui-même ou pour autrui.” Ainsi, si vous pensez que l’état de santé d’un proche n’est pas compatible avec la conduite et que vous n’êtes pas parvenu à le convaincre d’arrêter de conduire, il faut envisager un signalement, “pour sa sécurité et celle des autres”.

Le signaler à la Préfecture 

Signaler une personne est un sujet délicat car, aujourd’hui encore, la voiture reste importante pour le déplacement de nombreuses personnes. La procédure de signalement se fait auprès de la préfecture du département de résidence de la personne à signaler, par voie postale ou courrier électronique. Tout en sachant que le nom de la personne qui signale ne sera pas communiqué à la personne signalée.

Le préfet pourra déclencher, si nécessaire, un contrôle médical chez un médecin agréé. Ce dernier se prononcera sur l’aptitude médicale à la conduite de la personne signalée et transmettra son avis au préfet qui prendra la décision finale : une suspension du permis de conduire, une autorisation temporaire de conduire, une autorisation de conduire avec restrictions ou le maintien du droit à conduire.

Les solutions alternatives à la conduite

Des moyens existent pour rester mobile au quotidien sans conduire son propre véhicule : 

  • Les transports en commun : se renseigner en mairie pour connaître les différentes lignes disponibles
  • Les services spécialisés et le transport à la demande : informations en mairie ou auprès du conseil départemental
  • Le covoiturage : en demandant à des amis ou des proches de conduire

En savoir plus

  • www.preventionroutiere.asso.fr
  • www.securite-routiere.gouv.fr
  • www.sante.gouv.fr
  • www.inpes.fr

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