Parcours de soin
par le Docteur Didier Potier, conseiller médical de la MSM
Des maux de tête qui ne passent pas… faut-il demander directement l’avis du neurologue ou aller voir son médecin généraliste ? Un enfant qui pleure de douleurs à 3 heures du matin… faut-il téléphoner au 15, passer aux urgences ou essayer de patienter ? Des honoraires médicaux qui ne sont que peu ou pas pris en charge par la Sécurité Sociale... erreur administrative ou non-respect d’une réglementation complexe ?
Toutes ces situations ont un point commun : le parcours de soins. Qu’il soit coordonné, recommandé ou réglementé, le parcours de soins a des conséquences sur la qualité de la prise en charge médicale et son coût. Ce sont ces 2 approches qui vont être ici détaillés.
1. Parcours de soins et qualité de la prise en charge
Au cours de ces dernières décennies, le système de santé français a été profondément refondé. En effet, comme tous les pays développés en ont fait le constat, l’expansion du système de santé sans réelle organisation entraine une perte d’efficacité tant médicale que financière (ainsi la multiplication des examens n’est pas sans risque et génère des surcouts).
Recours aux soins et parcours de soins
Organiser le système de santé passe par une complémentarité des professionnels de santé, ce qui nécessite de clarifier le rôle et la place de chacun dans les recours aux soins. Le parcours de soins caractérise la circulation d’un patient (usager de santé) dans les trois niveaux de recours aux soins.
- La médecine de 1er recours (ou de soins de santé primaires) est définie comme une médecine de premier contact avec le système de santé, sans plateau technique lourd. Elle est exercée par des médecins généralistes au plus proche des usagers (en cabinet médical de médecine générale, en centre de santé, en EHPAD…).
Cette 1ère ligne prend en charge l’ensemble des demandes de soins et, à la différence d’une médecine de tri, en résout la grande majorité. Le médecin généraliste connait son patient, gère son dossier médical et centralise toutes les informations le concernant. Il assure le dépistage et la prévention, l’éducation à la santé et l’éducation thérapeutique. - La médecine de 2ème ligne (relevant des soins secondaires) est définie comme la médecine de recours à une expertise ciblée, ponctuelle ou répétée pouvant s’exercer en ville ou dans des établissements de santé. Elle est exercée par les médecins de toute spécialité hors médecine générale, sur sollicitation des médecins du 1er recours .
- La médecine de 3ème ligne (relevant des soins tertiaires) est définie comme la médecine nécessitant un plateau technique lourd dans un environnement hospitalier. Elle gère les situations graves et/ou compliquées, sa finalité étant d’aboutir à un diagnostic certain et de mettre en œuvre les procédures thérapeutiques ciblées. L’accès à la 3ème ligne doit être régulé et organisé en coordination avec la 1re ligne.
La consultation chez le médecin généraliste (MG)
La médecine générale, médecine de 1ère ligne, a une démarche spécifique car sa finalité n’est pas d’aboutir impérativement à un diagnostic de certitude (ce que l’on nomme diagnostic étiologique : nommer la cause) mais de déterminer un diagnostic global de situation permettant la mise en œuvre des actions les plus favorables au patient. Ainsi, face au problème vécu par le patient (le symptôme : toux, gratouille, fièvre par exemple), le raisonnement du MG est de penser à ce qui est le plus probable en fonction du contexte tout en n’oubliant pas les diagnostics « critiques » : d’une part, ceux qui nécessitent une prise en charge en urgence et, d’autre part, ceux banals et peu gênants mais dont les conséquences à long terme peuvent être graves.
Devant une baisse brutale de la vision, la possibilité d’un décollement de la rétine est une urgence même s’il existe des causes bénignes comme une crise de migraine. Des saignements minimes en allant aux toilettes doivent, après 50 ans, systématiquement faire demander un avis spécialisé (suspicion de cancer du côlon) mais ce n’est ni une urgence ni le diagnostic le plus probable (hémorroïdes ou simple irritation).
Devant tout symptôme considéré comme inhabituel, il est donc conseillé de contacter en premier lieu son médecin traitant (MT), un médecin généraliste (MG) en général. Il est souvent possible de le joindre par téléphone, en rendez-vous téléphonique (pris en charge par l’Assurance Maladie) ou en présentiel (visite ou consultation au cabinet médical). Être capable de dire ce qui est de l’ordre du normal et ce qui de l’ordre de la maladie est le rôle du médecin généraliste et il n’aura pas été dérangé « pour rien » si la consultation se termine par un : « Rien inquiétant, dans quelques jours tout aura disparu ».
Dans l’impossibilité de contacter rapidement le MT, de nombreux services de consultations téléphoniques sont actuellement disponibles sachant que l’impossibilité d’examiner (tests neurologiques, palpation d’un ventre douloureux, auscultation cardiaque et pulmonaire) est une limite. En dernier recours l’appel du 15 est aussi une solution.
Préparer une consultation ou un appel avec le médecin est utile afin de ne pas perdre un temps précieux et d’avoir une prise en charge satisfaisante (voir encadré à la fin de l'article Préparer une consultation chez son MT)
Soins non programmés et urgence
Les urgences hospitalières font partie des soins secondaires mais arrivent dans ce circuit beaucoup de patients relevant des soins de premier recours. Il faut en effet distinguer :
- Les urgences vraies : détresse vitale (hémorragie, arrêt cardiaque ou respiratoire…), traumatisme sévère, symptômes intolérables (douleur…) ou inquiétants.
- Les soins non programmés ou urgences ressenties : ces derniers représenteraient entre 20 et 40 % des passages aux urgences.
Ces soins non programmés relèvent le plus souvent des soins primaires et leur prise en charge aux urgences a de multiples raisons. La première est la non-disponibilité du médecin traitant, la deuxième les difficultés socio-économiques associées à l’accroissement des pathologies chroniques et au vieillissement (non-connaissance du système de soins, absence de couverture sociale, renoncement aux soins…). Ceci explique l’encombrement des urgences.
Devant une situation paraissant être une urgence, l’appel du 15 est nécessaire (voir encadré à la fin de l'article Téléphoner au 15 et attendre les premiers secours)
Le médecin régulateur confirmera ou non l’urgence et donnera les instructions nécessaires pour la prise en charge (envoi des pompiers, d’une ambulance, conseil de se rendre aux urgences, de patienter jusqu’à la disponibilité du MT…)
2. Parcours de soins et incidence financière
Pour promouvoir et encourager ce parcours de soins respectant la coordination et la complémentarité des intervenants, les pouvoirs publics ont institué le « Parcours de soins coordonné » et son corollaire le « Médecin traitant ». Son respect ou non a des incidences financières qui dépendent aussi du type de convention (secteur 1 ou 2) choisie par le médecin et régissant ses honoraires.
Les règles
Désignation du médecin traitant (MT)
Tout assuré social de 16 ans et plus (assuré direct ou ayant-droit) doit déclarer un MT, le plus souvent un médecin généraliste. La procédure est simple et il possible de changer de MT facilement. Il y a peu d’exception à l’obligation de déclarer un MT.
Il existe parfois une difficulté à trouver un MT. Dans ce cas, pour éviter les baisses de remboursement, il est nécessaire de saisir le médiateur de sa caisse d’assurance maladie (taper « Comment saisir le médiateur ameli.fr » dans votre moteur de recherche).
Parcours de soins coordonnés
Pour être remboursé normalement, l’assuré ayant déclaré un médecin traitant ne peut consulter un médecin spécialiste (autre que médecin généraliste) que sur adressage par le MT. Il existe trois exceptions principales à cette règle :
- la consultation d’un des 4 spécialistes en accès direct : gynécologues, ophtalmologue, psychiatre et stomatologue
- les assurés de moins de 16 ans
- les assurés atteint d’une Affection de Longue Durée (si les spécialistes consultés sont mentionnés au protocole de soins) ou d’une maladie chronique dans le cadre d'une séquence de soins en concertation avec votre médecin traitant
Secteur 1, 2 et OPTAM
Les secteurs conventionnels régissent les honoraires des médecins et donc le taux de remboursement de ceux-ci.
- Un médecin secteur 1 applique strictement les Tarifs Conventionnels (TC), ceux de la convention qu’il a signée avec la Sécurité Sociale. Il ne peut pas demander des dépassements d’honoraires (sauf cas exceptionnels).
- Un médecin secteur 2 a le droit de pratiquer des dépassements d’honoraires, sauf dans certains cas particuliers (bénéficiaires de la CCS - Complémentaire Santé Solidaire). Dans ce secteur 2, deux cas de figure sont possibles :
- le médecin adhère à l’Option Pratique Tarifaire Maitrisée (OPTAM) et s’engage à limiter ses dépassements,
- le médecin n’adhère pas à cette option et ses dépassements ne sont pas limités.
La grande majorité des médecins généralistes sont en secteur 1, c’est le cas inverse pour les autres spécialités. Le secteur d’exercice des médecins et leur éventuelle adhésion à l’OPTAM peut être consulté sur le site annuairesante.ameli.fr.
Remboursement des honoraires
La base de remboursement (BR) des honoraires des médecins est le tarif conventionnel (TC), c'est-à-dire celui des médecins en secteur 1 :
- l’Assurance Maladie (Régime Obligatoire-RO) rembourse le plus souvent 70 % du TC, après prélèvement systématiquement de 1 € sur chaque consultation (prélèvement forfaitaire),
- le reste (Ticket Modérateur-TM et éventuel dépassement) relève de la Complémentaire Santé (Régime Complémentaire-RC) : la Mutuelle Saint-Martin.
Absence de MT et/ou accès direct à un spécialiste
- Dans ce cas, le RO ne rembourse que 30 % du TC (moins les 1 € du prélèvement forfaitaire).
- La Mutuelle remboursera le TM (30 %) et une partie des éventuels dépassements (en fonction du contrat choisi)
- 40 % du TC ne seront pas remboursé. Voir encadré à la fin de l'article Exemples de remboursement
Avec un MT et en parcours de soins coordonnés
- Le RO rembourse alors 70 % du TC (moins 1 € de prélèvement forfaitaire).
- En secteur 1 : il n’y aura pas de reste à charge, la mutuelle remboursant intégralement le TM. Voir encadré ci-dessous Exemples de remboursement
- En secteur 2 avec OPTAM : le remboursement total sera lui aussi pratiquement intégral. En effet le TC est majoré, le dépassement est limité et la mutuelle peut (en fonction du contrat choisi) rembourser la totalité de ce dépassement.
- En secteur 2 sans OPTAM : il y aura probablement un reste à charge. En effet le TC est minoré, le dépassement n’est pas limité et la mutuelle plafonne le remboursement de ce dépassement.
Conclusion
Le parcours de soins a donc une forte incidence tant sur la qualité des soins que sur leur coût.
Incidence sur la qualité des soins, car une bonne coordination/complémentarité des différents professionnels de santé évite les errements dans le système de santé, les explorations inutiles (et leurs effets secondaires possibles) et permet le suivi et la prévention.
Le parcours de soins coordonné a aussi un impact sur le coût de la santé : impact collectif en permettant des économies substantielles mais aussi impact personnel. Si en respectant le parcours de soins coordonné le patient a la contrepartie d’un remboursement presque intégral des consultations et des médicaments, s’écarter de celui-ci peut rapidement devenir onéreux. Il faut cependant noter que la complexité du système ne facilite pas toujours le bon respect de ce parcours.